Saïd Mohamed Cheikh : un médecin devenu père fondateur des Comores modernes

Aujourd’hui, j’aimerais vous parler d’histoire.
Quand on évoque l’histoire des Comores, on pense souvent à Bob Denard, Ali Soilihi, et d’autres figures qui ont marqué le destin de notre archipel. Mais aujourd’hui, j’aimerais vous conter l’histoire d’un homme, d’un médecin, d’un politicien, d’un visionnaire. Un homme qui a osé : Saïd Mohamed Cheikh.

Une jeunesse modeste, une ambition immense

Issu d’une famille modeste, Saïd Mohamed Cheikh voit le jour en 1904 à Mitsamiouli, ou plutôt Mitsamiami, comme j’aime l’appeler. Une ville nichée dans le nord de l’île de Ngazidja, où l’enfance se nourrit de manguiers et de récits sous les étoiles.
Très tôt, il se distingue par sa curiosité et sa soif d’apprendre. Il part étudier à Madagascar et devient, en 1928, le tout premier médecin comorien diplômé (à priori). Un exploit pour un enfant d’une colonie où l’accès à l’éducation supérieure relevait presque du miracle.

Du médecin au politicien

Après de brillantes études en médecine à Madagascar, il revient exercer à Moroni. Médecin dévoué, il soigne sans distinction, se forgeant ainsi une réputation d’homme de terrain, proche des gens. Son engagement pour la santé publique le propulse très vite sur la scène politique. Son parcours politique :
– 1945 : Il devient le premier député des Comores à l’Assemblée nationale française, marquant un tournant historique.
1946 : Avant 1946, les Comores étaient administrées comme une simple annexe de Madagascar, sans réelle autonomie ni représentation propre. Les décisions étaient prises à Tananarive, loin des réalités comoriennes. Grâce à ses efforts et à son plaidoyer à Paris, les Comores obtiennent le statut de territoire d’outre-mer (TOM). Pour la première fois, l’archipel est reconnu administrativement, avec sa propre Assemblée territoriale. C’est un premier pas vers l’autonomie. – 1956 : Grâce à la Loi-Cadre Defferre, les Comores accèdent à une autonomie plus large et peuvent élire leur propre exécutif local.
1958 : Il est réélu député à la création de la Ve République française, symbole de sa popularité et de la confiance que le peuple comorien place en lui.

1958 : le grand choix, rester ou partir

En 1958, la France est à la croisée des chemins. Charles de Gaulle arrive au pouvoir et propose une nouvelle Constitution : la Communauté française. Un système permettant aux colonies d’accéder à plus d’autonomie tout en restant liées à la France, une sorte de tremplin vers l’indépendance.

Deux visions du futur

Saïd Mohamed Cheikh, député de gauche, voit la Communauté française comme une étape pragmatique pour renforcer les institutions, les infrastructures et préparer l’indépendance sereinement.

Son rival : le prince Saïd Ibrahim Ben Ali, fils du dernier sultan de Grande Comore, déchu par l’administration coloniale française. Son père, le Sultan Said Ali bin Said Omar, avait été exilé pour avoir résisté à l’autorité française. Cette humiliation familiale nourrit chez Saïd Ibrahim un désir de revanche et une méfiance profonde envers Paris.

Le référendum

Lors du référendum de 1958 :
À Mayotte, bastion de Saïd Ibrahim, 58 % des votants disent « Non » à la Communauté française, espérant plus d’autonomie.

Dans les autres îles (Grande Comore, Anjouan, Mohéli), c’est le « Oui » qui l’emporte largement, marquant la volonté de continuer à coopérer avec la France tout en préparant une autonomie progressive.

L’ironie de l’histoire

Ironiquement, lors du référendum pour l’indépendance en 1974-75, ce seront les Mahorais qui voteront massivement « Oui » pour rester français, alors que les autres îles choisiront l’indépendance. Comme quoi, les alliances et les convictions évoluent parfois avec le temps et les circonstances.

Le premier Président des Comores… en devenir

À la suite de la Loi-Cadre, Saïd Mohamed Cheikh est élu Président du Conseil de Gouvernement des Comores en 1961, devenant ainsi le premier dirigeant exécutif local de l’histoire du pays.

Ce poste faisait de lui le chef du gouvernement local (équivalent d’un Premier ministre) sous la tutelle du Gouverneur français, représentant officiel de Paris.

À cette époque, il n’y avait pas encore de Président de la République des Comores car le pays n’était pas indépendant. La souveraineté restait entre les mains de la France.
Il conserve ce poste jusqu’à sa mort en 1970, devenant la figure centrale de la vie politique comorienne.

Ce qu’il a accompli

Grâce à son leadership, Saïd Mohamed Cheikh contribue à moderniser les infrastructures : hôpitaux, routes, écoles. Il œuvre pour la valorisation des cultures vivrières et le développement de l’agriculture locale. Il s’attache à développer l’administration et à former une élite politique comorienne, posant ainsi les bases de l’autonomie.

Un homme de compromis

Certains lui reprochent d’avoir été trop proche de la France, d’autres saluent son pragmatisme et son sens du dialogue. Ce qui est certain, c’est qu’il a su naviguer entre les intérêts français, les rivalités internes et les aspirations de son peuple.

Aujourd’hui, son nom est parfois oublié ou controversé, mais il reste une figure majeure de notre histoire. Un homme qui a osé, un homme qui a cru que la diplomatie et la patience pouvaient être des armes aussi fortes que les fusils.

Et vous, que retenez-vous de Saïd Mohamed Cheikh ?
Partagez vos réflexions, vos souvenirs, vos anecdotes. Ensemble, faisons vivre notre histoire.


« 🌺 L’histoire est écrite par ceux qui ont le courage de se lever et de faire entendre leur voix.»

Nelson Mandela

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